À quelques pas de Babylone, en dehors des murs qui ceignent la ville, il est un village nommé Dilmun.

Ce village est peuplé des exclus de l’empire, des hommes et des femmes qui ont subi des altérations, depuis les aveugles et les albinos jusqu’aux difformes et aux estropiés.

Il est conté dans un mythe que nul ne saurait s’en prendre à eux sous le seul prétexte de leur infirmité. Ils sont ainsi tolérés, tant qu’on ne les voit pas. L’empire leur confie alors le nettoyage de la capitale, tâche qu’ils réalisent la nuit afin de ne pas brusquer les âmes sensibles.

Ils sont le rebut de l’empire.

Or, au début du XVIIIème siècle avant notre ère, une jeune femme aux yeux bleus est achetée dans un royaume de l’Est pour être offerte à Hammurabi. Elle s’appelle Arya, dernière descendante du peuple de la Vallée de l’Indus. Elle ne verra toutefois pas le palais car, pendant la traversée, elle est blessée. Endommagée. Subitement indigne d’être offerte. Malgré sa lignée, malgré sa beauté.

Elle est ainsi déposée à Dilmun, le village des exclus, où elle est recueillie et soignée. Elle prend alors toute la mesure de sa disgrâce, comprend sa place d’exclue et interpelle ceux qui l’ont sauvée. Ils sont des rebuts, soit. Mais qu’enseigne la Nature pour qui sait l’observer ? Même les excrétions de la bête trouvent leur noblesse quand la fleur naît du fumier.

Babylone est la bête qui les a excrétés, leur vocation est alors de donner le jour à une forme inédite de beauté. Une beauté aussi différente de Babylone que la fleur l’est de la bête. Telle est pour Arya la raison d’être de ceux qu’elle appelle désormais Les Parias de Babylone.

L’histoire qui débute avec Arya est celle d’une contreculture née à Babylone et qui s’étendra sur 38 siècles.

Victor Boissel — tous droits réservés